Le compte n'y est pas

| par Jean Roy | réflexion |
| l'Humanité, le 21 janvier 2009 |


| rapport Auclaire Par ailleurs le cinéma est aussi est diverstissement, propositions pour le soutien à l'action culturelle dans le domaine du cinéma | télécharger le rapport | télécharger les annexes |

Le rapport Auclaire sur l’éducation au cinéma ne séduit guère François Aymé, directeur du Jean-Eustache à Pessac.

En février 2008, Christine Albanel, ministre de la Culture, commandait à Alain Auclaire, ancien président de la Femis, un rapport devant formuler des propositions pour améliorer la complémentarité et la cohérence des actions menées en faveur de la diffusion culturelle du cinéma, de l’aménagement cinématographique et de l’éducation à l’image. Il s’agissait là d’une mission essentielle, tant on remarque une désaffection grandissante de la salle chez les spectateurs entre quinze et trente-quatre ans (prix des places ? téléchargement, légal ou non ? déplacement des modes de consommation ? budget réduit des jeunes passant désormais en priorité dans le téléphone portable, le baladeur et l’accès à Internet ?…). Pourtant, des efforts sont entrepris comme en témoigne Collège au cinéma, qui fête en ce moment ses vingt ans et peut se targuer d’avoir touché cette année 11 % de l’ensemble des élèves et des apprentis. Pour faire le point sur les vingt-deux propositions du rapport Auclaire (disponible en ligne), remis le 10 décembre à Christine Albanel, nous avons recueilli l’avis de François Aymé, directeur du Jean-Eustache à Pessac, ensemble de cinq salles associatives (bénéficiant de subventions) qui font le bonheur du cinéphile tant y sont multipliés les avant-premières, les rencontres, les événements (dont le Festival international du film d’histoire) et les débats. Nous l’avions interviewé il y a juste un an alors qu’il venait de rédiger le manifeste Exploitation cinématographique : les salles municipales, boucs émissaires de l’imprévoyance des circuits, au lendemain de la création du Collectif national de l’action culturelle cinématographique et audiovisuelle, ce même collectif qui vient de tenir les 8 et 9 janvier au 104 à Paris les premiers États généraux de l’action culturelle cinématographique et audiovisuelle. C’était l’époque où UGC et MK2 attaquaient la volonté du Méliès, à Montreuil, de s’agrandir et, par ailleurs, le moment de la baisse des crédits des DRAC (Direction régionale de l’action culturelle).


Depuis, selon François Aymé, la ministre a mis de l’eau dans son vin. En commandant le rapport Auclaire et en annonçant le doublement des crédits à la rentrée 2008 pour Collège au cinéma et Lycéens et apprentis au cinéma, ce qui, souligne le directeur du Jean-Eustache, était irréaliste tant était éludée la question de la formation des professeurs et celle du tirage des copies. Pour ce qui est du rapport Auclaire, François Aymé le juge « institutionnel, administratif, mais pas politique ». Et d’insister : « Pour un texte comme celui-ci, il faudrait une vision politique », précisant : « Quand Jack Lang et Jack Gajos créent l’Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC), il y a une vision politique, la mise en place d’un vrai dispositif pensé dans son intégralité : vingt-cinq ans après, cela tient encore. » De même, « quand sont créés les pôles régionaux du cinéma en 1998, il y a une vision politique, il s’agit d’avoir une structure référente dans chaque région de logique territoriale et structurelle, de s’appuyer sur des structures qui ont fait leur preuve comme le Festival du court métrage à Clermont-Ferrand. Il y avait de bonnes propositions, comme mieux relier le CNC aux DRAC. Le CNC avait des représentants régionaux et aidait ainsi les commerces de manière très efficace. » Exemple le Jean-Eustache, qui avait fermé et que le CNC Bordeaux a accompagné pendant six mois.


Depuis, par souci d’économies il n’y a plus de délégués régionaux : « L’État a dit que ce n’était pas grave et qu’il y aurait un conseiller cinéma par DRAC, mais plus de la moitié n’en ont pas. Ici, il n’y a qu’un conseiller livres, dont le cinéma n’est pas la préoccupation. C’est un vrai déficit de l’institution. Alain Auclaire pointe ce problème et dit que les DRAC doivent travailler mieux avec le cinéma, mais il n’aborde pas la question de la formation, ce qui est curieux car il en vient. Il n’est pas question de formation culturelle des exploitants, alors que le métier évolue. Au Jean-Eustache, 250 jours par an il y a de l’animation, des séances pour les enfants et les scolaires. Les gens doivent avoir le sentiment que c’est une vraie sortie, qu’ils vont voir quelque chose d’exceptionnel. Il y a un travail d’accompagnement à faire. Le public art et essai est de plus en plus important, même dans les petites villes. Diriger une salle de cinéma, c’est voir les films. Il faut pouvoir écrire sur les films, organiser un débat, avoir un site Internet et le faire vivre. Tout cela ne s’improvise pas et il faut former ces gens. On pilote École au cinéma dans la Gironde sur trente cinémas. Donc il faut faire une séance pour les profs, car il faudrait que chaque cinéma puisse bénéficier d’une petite introduction. Dans la petite salle d’une ville de trois mille habitants où le projectionniste est seul, il ne le fait pas ou il le fait mal. »


D’où tous les reproches que fait François Aymé à cette absence de la formation initiale, que de surcroît les grands circuits ignorent alors qu’ils tiennent les syndicats. Du coup, la convention collective ne connaît pas les métiers comme adjoint de direction chargé du jeune public. Il déplore aussi la présentation statisticienne du rapport, établi sans approche qualitative, comme la non-remise en cause du modèle qui s’appuie sur un maximum de copies sur un minimum de temps, ce qui ne vaut que pour les multiplexes. Lui défend l’idée de moins de séances davantage préparées. On le suit volontiers.

Jean Roy

Vives inquiétudes autour de l'action culturelle

| par Raymond Parizer |
| pour Ecran Total n°738 du 14 janvier 2009 |

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Pour l’action culturelle cinématographique aussi, il y a des états généraux (1/2)

| Le 14 janvier 2009 à 16h00 |
| www.telerama.fr |


LE FIL CINéMA - Il n’y a pas que la presse qui soit en danger. Festivals et autres manifestations subventionnées consacrées à l’image souffrent aussi… C’est pour cela qu’a été créé le Collectif national de l’action culturelle cinématographique et audiovisuelle, qui tenait ses premiers états généraux il y a quelques jours. Deux de ses membres, Amélie Chatellier (de la Société des réalisateurs de films), et Catherine Bailhache (de l’Association des cinémas de l’ouest pour la recherche) reviennent sur ce mouvement et ses objectifs.



Quand et pourquoi est né votre mouvement ?

Amélie Chatellier : Depuis l’automne 2007, on savait que se profilaient des réductions de crédits et des baisses de subventions pour les festivals, les réseaux de salles ou les circuits itinérants. La somme que l’Etat projetait alors de supprimer était dérisoire à son échelle, mais absolument vitale à la nôtre. D’où l’émergence d’une forte mobilisation des acteurs culturels de l’image. Une trentaine d’associations s’est réunie pour rédiger un texte intitulé « Cinéma et audiovisuel, vers le démantèlement de la diversité culturelle ? » : un appel à toutes les structures qui se sentaient concernées par ce combat à se retrouver le 11 janvier 2008 à Paris. Aujourd’hui, le collectif compte 380 structures.

Catherine Bailhache : Depuis trente ans que je suis militante de l’action culturelle, c’était la première fois que je voyais réunis dans un même endroit des producteurs, des exploitants, des distributeurs, des réalisateurs, mais aussi des gens des foyers ruraux, des MJC, de la ligue de l’enseignement. Tous au service de la culture et de sa démocratisation. Un an après, on constate que leur énergie et leur détermination sont intactes.


Qui sont les plus touchés, les plus en danger dans le domaine du cinéma ?
Amélie Chatellier : Certains festivals ont été durement touchés : les plus petits, bien sûr, qui font pourtant un travail remarquable pour montrer des œuvres souvent exigeantes dans des zones de désertification culturelle. Mais les grands festivals ont aussi été frappés à la marge : celui de La Rochelle, par exemple. On lui a enlevé 2.000 €, correspondant au financement d’un atelier de cinéma dans une prison ; un autre festival se voit retirer 3.000 €, qui lui permettaient d’assurer son programme d’éducation à l’image... Ce sont des économies de bouts de chandelles sur des actions qui semblent périphériques mais sont en fait le cœur même de l’action culturelle.


Quelles actions avez-vous menées depuis ?
Amélie Chatellier : Il y a eu le 22 février 2008, le soir de la cérémonie des Césars : la déclaration de Jeanne Moreau, le message censuré de Mathieu Amalric et notre opération “Ecrans noirs”, qui a permis au public de venir débattre de l’avenir de l’action culturelle dans les salles. Notre principal problème est de s’organiser : notre collectif n’est pas une association, il fonctionne grâce à la seule volonté de ses membres, tous bénévoles. C’est donc parfois difficile de s’organiser, de communiquer et de maintenir le pouvoir politique sous pression. Mais, malgré ces difficultés, en un an nous avons tout de même réussi à nous imposer comme un interlocuteur incontournable : nous avons rencontré à maintes reprises les gens du CNC ou du ministère de la Culture.

Catherine Bailhache : C’est un travail de lobbying qui commence à porter ses fruits : en novembre 2007, on apprend l’imminence d’une baisse drastique des financements publics, jusqu’à 100 % dans certains cas – autant dire la disparition pure et simple de certains d’entre nous. Or, la mobilisation a permis de limiter la casse en poussant l’Etat à revoir ses arbitrages budgétaires et à réinjecter de l’argent. Ma propre structure, un réseau de salles régionales, a failli perdre 50 % de sa subvention ; ce chiffre a finalement été ramené à 15 %. Il y a un an, on avait du mal à se faire recevoir par les représentants de l’Etat, aujourd’hui, non seulement nous sommes reconnus, mais ces mêmes représentants font le déplacement pour assister à nos Etats généraux.


Pourquoi ces Etats généraux ?
Catherine Bailhache : L’action culturelle est à la fois une pratique très bien partagée, puisqu’elle touche toutes les disciplines, et en même temps compliquée à définir. Si l’on demande à un spectateur lambda ce que c’est que l’action culturelle, il y a des risques pour qu’il sèche. On peut se dire que ce terme s’applique, par exemple, à la venue des réalisateurs dans les salles, sauf que si l’on entend par là les trois minutes passées par l’auteur d’un méga-blockbuster dans un multiplexe pour présenter son film en avant-première, alors on confond action culturelle et promotion. Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’un cinéaste qui accepte de passer trois ou six mois à accompagner son film, allant partout, y compris dans les visages, se situe clairement dans une démarche d’action culturelle. De plus, souvent, il n’est pas payé : soit parce que, traditionnellement, on considère (à tort) qu’il fait la promotion de son film, soit faute de moyens. D’où la nécessité de se mettre d’accord sur le type d’actions et de valeurs que ce terme recouvre. On défendra d’autant mieux l’action culturelle qu’on saura bien la définir, car si on est capable de l’expliquer à notre voisin du dessus, alors on sera aussi en mesure d’obtenir des politiques les financements nécessaires à son bon fonctionnement. Ces Etats généraux sont la première étape de ce travail, qui sera long, car il est collectif et transversal. Dans quelques mois, il faut que nous soyons capables de produire cette charte commune.

Vu l’état d’urgence que vous décrivez, la rédaction d’une charte semble une réponse bien faible...
Catherine Bailhache : Non, car pour défendre une même cause, il est indispensable que nous parlions le même langage, nous qui pratiquons parfois des métiers très différents et dont les intérêts sont parfois divergents. Entre un exploitant et un distributeur, les occasions de se disputer sont nombreuses, mais on défend malgré tout la même vision du cinéma et on partage la même passion pour cette question cruciale : comment accompagner et montrer les films ?


Quels sont vos autres objectifs ?
Amélie Chatellier : Hier, lors de la journée interprofessionnelle, le collectif a décidé de monter des ateliers de travail autour de sujets cruciaux comme, par exemple, la question du bénévolat, dont la remise en cause a mis récemment en péril le Festival du court métrage de Clermont-Ferrand. Nous allons aussi travailler à élaborer une contre-proposition au rapport d’Alain Auclaire, chargé par le ministère de la Culture de plancher sur la diffusion culturelle et l’éducation à l’image. Ce rapport oublie des pans entiers de l’action culturelle et ne propose rien de très nouveau. On va tâcher de proposer autre chose, mais ça prendra du temps. On avance en marchant...
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Propos recueillis par Mathilde Blottière

Pour l’action culturelle cinématographique aussi, il y a des états généraux (2/2)

| 14 janvier 2009 à 16h00 |
| www.telerama.fr |


LE FIL CINEMA - Il n’y a pas que la presse qui soit en danger. Festivals et autres manifestations subventionnées consacrées à l’image souffrent aussi… C’est pour cela qu’a été créé le Collectif national de l’action culturelle cinématographique et audiovisuelle, qui tenait ses premiers états généraux il y a quelques jours, à Paris. Mais l'action culturelle, à quoi ça sert ? Réponse en quelques témoignages.


Antoine Glémain, directeur d’Atmosphère 53, une association implantée en Mayenne pour la diffusion du cinéma en milieu rural : « Aujourd’hui, la menace de notre disparition est réelle : les financements manquent alors qu’il n’a jamais été aussi urgent de lutter contre les déserts socio-cuturels. »

Chantal Richard, cinéaste : « On a besoin de l’action culturelle pour retrouver l’émotion de l’échange et du partage. Toutes ces expériences, du cinéma itinérant aux ateliers d’éducation à l’image, ne sont même pas prises en compte dans les rapports officiels sur l’action culturelle ! »

Jocelyne Quélo, responsable multimédia de la Maison populaire de Montreuil : « En 2008, le label espace culturel multimédia a disparu. Les structures ont du faire face à des baisses de subventions énormes. Des zones blanches commencent à apparaître sur le territoire. Le populisme est en train de remplacer l’éducation populaire. »

Cyril Seassau, de la Ligue de l’enseignement : « En octobre dernier, nous avons appris que certaines associations d’éducation à l’image allaient subir une baisse de 25% de leurs subventions en 2009. Cela met en danger un grand nombre d’actions. Au-delà du désengagement financier de l’Etat, il s’agit bien de la rupture du consensus qui prévalait jusque-là en matière d’éducation populaire. On passe progressivement à une culture du rendement et du résultat alors que nos actions doivent être évaluées dans la durée. C’est un combat idéologique que nous devons mener. »

Jean-Pierre Thorn, cinéaste :
« Je fais partie d’un cinéma indépendant qui n’existerait pas s’il n’y avait pas le travail formidable des acteurs culturels sur le terrain. Lorsqu’on a créé l’Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion, ndlr), en 1992, je me souviens que Lucas Belvaux et Manuel Poirier partaient avec des pelloches dans le coffre à la rencontre des exploitants. Ils essayaient de les convaincre de défendre un cinéma exigeant. Depuis, l’Acid a fait du chemin mais face à la régression fantastique que l’on subit, on est en droit de s’inquiéter... »

Nicolas Mey, responsable d’un cinéma associatif, à Morlaix : « Pour diffuser des films autres que ceux produits par la grosse industrie, il ne suffit pas de programmer des séances. Il faut aussi accompagner les films, s’interroger sur la manière de les montrer et multiplier les occasions de rencontres entre le public, une œuvre et son auteur. Or, en nous sucrant aides et subventions, l’Etat met en péril ce travail de sensibilisation. Comment faire venir le réalisateur d’un film si on ne peut pas le payer ? »

Gilles Porte, cinéaste : « Nous ne sommes pas en voie de disparition mais de résistance. Car les cinéastes ont absolument besoin de ces passeurs que sont les pros de l’action culturelle. Sans eux, les films des gens comme moi ou Nicolas Klotz seraient invisibles. »
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Mathilde Blottière

"Quelque chose de commun et de vital"

Christophe Kantcheff
Politis | jeudi 8 janvier 2009 |



Les Etats généraux de l'action culturelle cinématographique et audiovisuelle se déroulent les 8 et 9 janvier à Paris. Catherine Bailhache* en expose ici la genèse et les objectifs.



Depuis un an, il y a eu plusieurs mobilisations en faveur de l’action culturelle cinématographique et audiovisuelle. Quels en ont été les résultats ?

Catherine Bailhache : La toute première mobilisation a eu lieu en janvier 2008. Elle a été suivie en mars d’une intervention de Jeanne Moreau et de Mathieu Amalric lors de la remise des César. En mai, nous avons tenu une conférence de presse à Cannes au cours de laquelle nous avons annoncé notre décision de péreniser le Collectif. En juin, au sein du Collectif Sauvons la culture !, dont nous sommes cofondateur aux côtés de représentants d’un ensemble de secteurs culturels comme le théâtre, la danse, le cirque, la musique…, nous avons coorganisé « le 21 juin, Boum ! » à l’appel des Têtes raides.

Provoquée par l’annonce brutale d’une baisse très conséquente de certains des crédits déconcentrés en DRAC par le ministère de la Culture et de la communication, cette constante mobilisation a d’emblée rassemblé les représentants de très nombreuses structures (près de 380) du territoire français dont on comprenait qu’elles seraient atteintes. S’y sont spontanément adjoints dès l’origine, individuellement ou au nom de leur propre structure, un grand nombre de leurs partenaires, ainsi que des personnalités venues d’autres secteurs de la culture.

Il faut dire qu’en projetant de supprimer une somme relativement peu importante à son échelle, mais essentielle à la nôtre, l’Etat touchait à quelque chose de commun et de vital. Vital pour les structures elles-mêmes, vital aussi pour la population d’un point de vue intellectuel, artistique, social, politique.

Ensemble, nous avons alors mesuré à quel point, à travers cette décision, c’était, partout, une partie commune précise et précieuse de notre travail qui risquait de s’en trouver démantelée. En effet, que nous soyons producteurs, réalisateurs, distributeurs, comédiens, techniciens, responsables de festivals, de salles privées ou publiques, de ciné-clubs, d'associations d'éducation artistique, chercheurs, enseignants, et j’en passe, nous nous voyions concrètement menacés de ne plus pouvoir mener ce que nous nous accordons à nommer l’action culturelle, cette partie de notre travail immergée de l’iceberg, mais tournée vers tous, et dont les résultats se mesurent avant tout qualitativement et sur la durée, deux valeurs peu ou pas reconnues de nos jours.

Le Collectif national de l’action culturelle cinématographique et audiovisuelle (BLAC) est né de ce constat et de la nécessité de se solidariser immédiatement face à cette menace. Le résultat en a été la réinjection d’une grande partie du budget initialement menacé de suppression, ce qui a permis à beaucoup de ne rien perdre d’essentiel sachant que, par ailleurs, une trentaine de festivals s’est trouvée rapatriée nationalement sur un autre budget au niveau du CNC.

Notons tout de même une perte moyenne officielle en 2008 d’environ 15 % du budget, sans transparence quant à la répartition ; plus grave, la disparition quasi complète des ECM (Espaces culturels multimedia), pourtant initiés par l’Etat il y a quelques années, et la disparition de festivals ou d’associations, parfois jugés modestes, pour lesquels les DRAC (1) n’ont souvent rien pu faire, dont l’existence contribuait pourtant à la diversité culturelle qui caractérise notre pays…



Pourquoi aujourd’hui ces États généraux de l’action culturelle cinématographique et audiovisuelle ?

Nous l’avons imaginé dès le début ; nous n’avons jamais souhaité n’être qu’un organe de résistance. Ce qu’il faut dire, c’est que réellement, à l’occasion de cette mobilisation, nous avons tous compris qu’il est devenu indispensable d’affirmer haut et fort que l’action culturelle cinématographique et audiovisuelle, et plus largement d’ailleurs l’action culturelle tout court, est une notion réelle et efficiente. Le fait qu’elle soit mal ou insuffisamment définie, et donc mal ou insuffisamment reconnue, la rend d’autant plus fragile et susceptible d’être démantelée. C’est pourquoi nous éprouvons l’absolue nécessité de procéder à une réflexion sur et autour de l’entité « action culturelle ».



Une des originalités de ce Collectif est qu’il fait voler en éclat les corporatismes des milieux du cinéma et de l’audiovisuel. Comment est-ce possible et sur quel mode d’action cela débouche-t-il ?

Oui, l’enjeu et la difficulté consistaient à faire exister de façon homogène, fluide et cohérente ce rassemblement transversal inédit. C’est l’un de ses intérêts majeurs, aussi bien en interne que face à ses interlocuteurs : de fait, le Collectif représente une entité en soi, transversale, avec laquelle il est impossible désormais de refuser d’échanger et d’avancer.

Mais il n’y a pas seulement les corporatismes. Les différents métiers du cinéma ont tous leurs spécifités, nombreuses et complexes. Cela rend ardue la recherche d’une homogénéité entre des gens qui doivent pour cela d’abord apprendre à mieux se connaître s’ils veulent mettre en place des alliances objectives pertinentes. Ce collectif dont la forme définitive (simple collectif, association ?) n’est pas définie encore, est évidemment sans cesse sujet à écartèlement.

Néanmoins, sa force réside dans le fait que ceux qui l’ont constitué sont à la fois conscients de ces difficultés et très déterminés à les surpasser. Ça marche, simplement parce que chacun y met du sien : concrètement en mettant la main à la pâte, mentalement en dépassant ses propres résistances tout en précisant la frontière entre son effort de solidarité et la préservation de sa propre indépendance.

Au-delà du fait que cela permet de constituer un groupe cohérent, reconnu comme tel, parlant d’une même voix et agissant au nom de mêmes valeurs, cela a pour effet immédiat quelque chose de très intéressant : pragmatiquement, les représentant de différents secteurs, qui jusqu’à présent ne le faisaient pas, se parlent et agissent ensemble quotidiennement sur toutes sortes de champs. Ce qui ne peut être sans conséquences.



L’un des axes de ces États généraux est de réfléchir à la notion même d’« action culturelle » pour éventuellement en dresser une charte. Pourquoi cette notion est-elle si compliquée à cerner ?

Ce que je vais dire n’engage que moi et nous verrons si la réflexion collective le confirme : en vérité, cela ne me semble pas si compliqué. Je pense que nous sommes très nombreux à en avoir la pratique sans avoir jamais pris le temps de nous poser pour coucher sur le papier une définition satisfaisante et pédagogique. Disposant depuis toujours de peu de moyens, nous avons tous instinctivement privilégié… l’action.

J’ajoute que la notion d’action culturelle a tout à voir selon moi avec les notions de transversalité et de collectif, ce qui signifie que les conditions de sa définition et de sa visibilité sont maintenant réunies. A suivre, donc…

Propos recuillis par Christophe Kantcheff



(1) En tant que représentant de l’Etat sur le terrain, les DRAC, notamment celles pourvues d’un conseiller cinéma, audiovisuel, multimedia, sont aujourd’hui les mieux à même d’apprécier valablement l’importance et la pertinence d’un soutien, y compris s’il s’agit d’allouer un montant de quelques milliers, voire quelques centaines d’euros (souvent qualifié au national, à tort selon nous, de « saupoudrage ») ; mais privées de 15 % de budget (hors ECM) alors même que leurs budgets d’origine étaient déjà serrés, elles ont dû faire des choix…

* Catherine Bailhache est coordinatrice de l'ACOR (Association des cinémas de l'ouest pour la recherche)

Dossier : L'action culturelle au combat

| Cahiers du cinéma n°641 | janvier 2009 |
| Casser le scénario catastrophe, par Jean-Michel Frodon |
| Inquiet et en colère, par Laurent Cantet |



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Dossier : L'action culturelle au combat

| Cahiers du cinéma n°641 | janvier 2009 |
| Avant qu'il ne soit trop tard ! par le Collectif national de l'action culturelle cinématographique et audiovisuelle (Blac) |



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Dossier : L'action culturelle au combat

| Cahiers du cinéma n°641 | janvier 2009 |
| Pour qui nous combattons, par Thierry Méranger |
| Angoisse aux Ailes du désir, par Ludovic Lamant |


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Dossier : L'action culturelle au combat

| Cahiers du cinéma n°641 | janvier 2009 |
| Ma place dans le cadre, par Licia Eminenti ||
| Accompagner les films, construire de la cohérence, par Jean-Michel Frodon |

Dossier : L'action culturelle au combat

| Cahiers du cinéma n°641 | janvier 2009 |
| Faire bouger les lignes, Entretien avec Cédric Charpy responsable de l'Ecran mobile, propos recueillis par Gérard Le Cann, Ligue de l'enseignement de Basse-Normandie |
| La Pellicule ensorcelée, autoportrait, par Jérôme Descamps |
| Bertrand Bonello : "Le spectateur a changé" |
| Un réseau militant insoupçonné,  propos de Souad El Bouhati recueillis par Charlotte Garson |


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Dossier : L'action culturelle au combat

| Cahiers du cinéma n°641 | janvier 2009 |
| Déborder du cadre, percer la mise en ordre de l'invisible, par Anne Toussaint |
| Cinéma dans les prisons quelques repères |
| Chaque année, en novembre, par Cyril Neyrat |
| "C'est pour ça que je fais des films" propos de Mariana Otero recuillis par Jean-Michel Frodon |


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Dossier : L'action culturelle au combat

| Cahiers du cinéma n°641 | janvier 2009 |
| "Les pouvoirs publics comptent sur un épuisement…" propos de Philippe Etienne recueillis par Charlotte Garson |
| "Un festival doit arrêter le flux des sorties" propos de Frédéric Borgia recueillis par Charlotte Garson |



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