La presse écrite en question

lundi 19 mai 2008
Éditorial de Ouest-France
par François Régis Hutin



La crise de la presse atteint pratiquement tous les journaux quotidiens avec plus ou moins d'impacts.

En ce qui concerne la presse quotidienne nationale, on constate les difficultés du journal Libération, celles du Monde et du Figaro. Ces deux derniers titres recourent à des plans d'économies, ainsi qu'à des plans sociaux entraînant départs volontaires et éventuellement licenciements.

Dans la presse quotidienne régionale, on a assisté à la vente d'un nombre important de journaux depuis trois ans. Ainsi, Centre Presse, Corse Matin, La Voix du Nord, La Provence, Le Bien Public, Le Courrier de l'Ouest, Le Dauphiné Libéré, Le Journal de Saône-et-Loire, Le Maine Libre, Le Progrès, Le Républicain Lorrain, L'Indépendant, Midi Libre, Nice Matin, Nord Éclair, Presse Océan et Var Matin ont changé de propriétaires depuis 2005.


Que se passe-t-il ?

Pour équilibrer ses comptes, une entreprise de presse recourt essentiellement à deux types de ressources : les recettes de ventes (55 à 70 % du total), les recettes de publicité (30 à 45 %). Lorsque les recettes de publicité diminuent, le prix de vente du quotidien augmente. Si la progression du prix est jugée trop forte, le lecteur se tourne vers d'autres moyens d'information qui sont ou qui lui paraissent moins coûteux.

C'est le cas actuellement. La part de la presse quotidienne dans les recettes publicitaires a diminué de 20 à 13 % entre 1987 et 2007.

Parallèlement, le prix moyen des journaux sur la même période est passé de 0,66 € à 0,94 €, soit une augmentation de 50 %.

Dans le même temps, la diffusion de la presse quotidienne est passée de 8,5 à 7,2 millions d'exemplaires, ce qui signifie qu'elle a perdu 1,3 million d'exemplaires.



Des défis à relever

Au total, les recettes des journaux se trouvent gravement amputées. Elles ne permettent plus à certains titres d'investir pour adapter ou moderniser leurs moyens de production. Se sentant menacés dans leur avenir, certains propriétaires de journaux ont jeté l'éponge et vendu leurs titres à des groupes qu'ils pensent susceptibles d'investir pour redresser la situation.

Par ailleurs, de nouveaux moyens d'information ont surgi et se développent. La télévision a vu se multiplier le nombre de postes (il y a maintenant, très souvent, plusieurs postes de télévision par foyer). En outre, le nombre de chaînes s'est considérablement multiplié et l'on peut accéder à pratiquement toutes les chaînes du monde grâce au satellite.

Internet se développe très rapidement : le nombre de ses utilisateurs, qui atteint 17 millions aujourd'hui, a augmenté de 50 % au cours de ces trois dernières années. Des journaux gratuits, vivant seulement de recettes publicitaires, ont fait une percée importante, notamment en région parisienne.

Ces concurrents prennent évidemment du temps aux lecteurs éventuels. Ils paraissent parfois plus faciles d'accès. D'autre part, une entreprise de presse qui dispose de ses propres rotatives ne peut les utiliser que pour le temps nécessaire à l'impression de ses exemplaires. Elles sont donc arrêtées le reste du temps. Or, ces machines sont coûteuses et pourraient être assimilées à des machines utilisées dans l'industrie lourde. Or, pour amortir celles-ci, on les fait tourner 24 heures sur 24, ce qui n'est pas possible pour une rotative de presse dédiée à un journal, étant donné que le tirage doit être effectué dans un temps restreint permettant de l'acheminer ensuite au point de distribution.

Enfin, traditionnellement, les salaires de la branche presse sont relativement élevés.

Le problème est donc difficile à résoudre, surtout lorsque les recettes faiblissent. Voilà qui explique les tensions ressenties dans cette profession qui se trouve fragilisée en Amérique comme en Europe. La France n'échappe pas à ce phénomène ni en ce qui concerne la presse quotidienne régionale ni en ce qui concerne la presse quotidienne nationale. Si la presse veut survivre, il lui faudra se moderniser tout en diminuant ses coûts et en améliorant les services qu'elle doit rendre au public et à notre démocratie. Des adaptations sont donc indispensables. Elles expliquent les difficultés rencontrées ces temps-ci.