Christine Albanel veut favoriser les "gros tournages" américains en France

Le Monde
le 14 mai 2008



A l'occasion de la 61e édition du Festival de Cannes, qui ouvre mercredi 14 mai, la Ministre de la Culture et de la communication annonce la mise en place d'un crédit d'impôt international, destiné à attirer les gros tournages hollywoodiens dans l'Hexagone et le doublement des crédits pour le cinéma à l'école.


Quel est votre sentiment sur le cinéma français, écartelé entre les difficultés du financement des films d'auteur, soulignées par le rapport Ferran, et les bons chiffres de fréquentation en salles, et du fort niveau de production ?

Cannes - qui a révélé des talents en 2007 : Mungiu, Satrapi et Paronnaud ou Fatih Akin - nous rappelle que ce qui fait la grandeur et la force du cinéma, c'est sa diversité. Il est essentiel que le cinéma français ne s'enferme pas dans une production à deux vitesses : des films à vocation grand public, bien financés, des films d'auteur pauvres... Nous avons tous les atouts pour résister à cette tendance, qui serait dangereuse artistiquement. La France reste le troisième pays producteur de films, après l'Inde et les Etats-Unis. 2007 a été une année très visible, avec le formidable succès des Ch'tis et nos trois Oscars à Hollywood. Sur ce que déplore, à juste titre, le rapport Ferran - la disparition des films de moyens budgets -, on a des signes de rééquilibrage depuis 2007. Notre défi est de confirmer ce rééquilibrage.


Reprendrez-vous certaines mesures du rapport Ferran ?

Je partage certaines de leurs préoccupations et plusieurs pistes qu'ils appellent de leurs voeux font déjà l'objet d'actions concrètes du Centre national de la cinématographie. La question centrale de l'aide au développement, au scénario des films, fait l'objet d'aides en très forte hausse cette année. L'avance sur recettes augmente aussi de 10 % pour la première fois en 2008, avec une préoccupation de redistribution plus équilibrée. Notre souci est et sera d'aider prioritairement la distribution indépendante.

La relation entre le cinéma et les télévisions est compliquée, mais féconde, comme en témoignent les 300 millions d'euros qu'apportent les chaînes au cinéma français. La perspective d'une suppression partielle de la publicité sur les chaînes du secteur public peut changer la donne. S'il n'y a plus de contrainte pour obtenir de la publicité sur ces chaînes, les films qu'elles coproduisent seront moins formatés. Le rapport propose aussi de renforcer l'éducation à l'image. Avec le ministre de l'éducation, Xavier Darcos, nous allons doubler les aides à l'école, au collège et au lycée au cinéma l'an prochain. Elles concerneront 2,5 millions d'élèves, contre 1,25 aujourd'hui. Ce sera la première fois que ces programmes impliqueront autant de jeunes.



En Grande-Bretagne, en Allemagne, des aides fiscales attirent les gros tournages hollywoodiens. La France doit-elle faire de même ?

Oui, je ferai tout pour que le crédit d'impôt international soit dans le projet de loi de finances de 2009. Il ciblera des films à gros budgets. C'est une mesure d'attractivité du territoire, qui aura des retombées importantes en termes d'emplois - notamment des industries techniques du cinéma -, d'économie et de tourisme. La concurrence est très rude avec les pays voisins. Des gros tournages réalisés en 2005 comme Marie-Antoinette, de Sofia Coppola, le Da Vinci Code ou Une grande année, de Ridley Scott apportent un ballon d'oxygène. L'idée est de faire revenir ces films hollywoodiens aujourd'hui tournés ailleurs, sans pour autant ouvrir les vannes à tous les projets.



Déplafonnerez-vous le crédit d'impôt national, qui n'empêche pas les gros films français d'être tournés à l'étranger ?

Non, ce n'est pas à l'ordre du jour. Notre priorité est d'aider les films à moyen budget.



Comptez-vous reprendre des suggestions du rapport sur le droit de la concurrence dans le cinéma ?

Nous sommes en phase de consultation publique. Aucune décision n'est prise. Je ne suis pas favorable à une "taxe pop-corn" ; les exploitants sont libres de fixer leurs tarifs, mais il faut que la rémunération des ayants droit soit préservée.


Propos recueillis par Nicole Vulser