Nicolas Sarkozy a critiqué la gratuité sur Internet et souhaite la réunion
d'états généraux de la presse écrite en automne.
Point de vue de Lluis Bassets, directeur adjoint de la rédaction d'«El Pais».
d'états généraux de la presse écrite en automne.
Point de vue de Lluis Bassets, directeur adjoint de la rédaction d'«El Pais».
«Comment voulez-vous que les gens achètent leurs journaux en kiosque s’ils sont gratuits sur Internet?», s’est interrogé Nicolas Sarkozy mardi matin sur RTL. Comment analysez-vous cette interrogation?
Le fait qu’il mette cette question à l’ordre du jour est symptomatique de son quinquennat : c’est un président médiatique, il ne pense qu’à communiquer. L’Internet par son effervescence est un média qui lui échappe. On ne peut pas contrôler les messages des blogueurs, les commentaires. Ce qui m’étonne le plus, c’est que ce soit le Président de la République qui prenne l’initiative de lancer des états généraux de la presse à l’automne. Ce n’est pas un sujet qui doit être aux mains de l’exécutif. Nicolas Sarkozy n’a pas à se mêler de ces affaires-là.
Vous qui gérez à la fois le papier et le web d’El Pais, avez-vous l’impression d’une forme de paradoxe : vendre du papier et en même temps mettre celui-ci gratuitement sur Internet? Votre contenu papier est-il le même que votre rédaction web?
El País publie ses contenus sur Internet et fournit en plus de l’information en flux continu propre au site. La question que pose Nicolas Sarkozy est cependant pertinente car elle met en lumière l’absence d’un modèle économique viable du marché journalistique.
La fragilisation de la presse écrite payante est-elle un problème franco-français?
La crise du modèle de la presse écrite payante est générale, que ce soit en France, en Espagne, en Europe, aux Etats Unis… Il est évident que si l’on peut accéder à l’information sans payer grâce à Internet, ou à la presse gratuite cela provoque un bouleversement du paysage médiatique. Le modèle de la presse écrite, vieux de 150 ans, s’en trouve donc modifié : les éditeurs de presse sont confrontés à une baisse conjointe des ventes et des recettes publicitaires en raison de la prolifération de nouveaux médias.
La presse espagnole a pourtant l’air de mieux se porter qu’en France…
La différence c’est qu’en Espagne, la presse s’est renouvelée, modernisée. Avant 1976, elle était quasi inexistante. Aujourd’hui, il y a de nouveaux journaux, avec un design plus attractif.
Les quotidiens nationaux français doivent-ils se remettre en question ?
Le problème est causé entre autres par le monopole de la distribution et le poids des syndicats du livre. Il faudrait davantage de flexibilité. En Espagne, la distribution est libre, il y a donc plus de rentabilité. D’autre part, j’observe plus de concurrence entre les journaux espagnols, qu’il n’y en a dans la presse française.
Le modèle de la presse écrite payante est-il périmé ?
A long terme, oui. Il faut le substituer par d’autres modèles qu’il reste encore à inventer. Même la presse gratuite ne l’a pas encore trouvé. Car en cas de crise économique, c’est cette dernière qui sera frappée de plein fouet, puisqu’elle n’a pas d’autres sources de revenus que la publicité.