MARIE LECHNER
LIBERATION
QUOTIDIEN : vendredi 25 janvier 2008
Budget. En se désengageant, l’Etat fragilise un secteur tout juste en train de se structurer.
Nouvelles coupes sombres dans le budget de la culture. Cette fois, c’est l’art multimédia qui subit le désengagement de l’Etat. Premières victimes : les ECM, espaces culture multimédia, un programme qui, depuis dix ans, sensibilise et initie le public aux technologies, prioritairement sous l’angle culturel, et soutient la création numérique. La rumeur bruissait depuis novembre : les ECM, convoqués au compte-gouttes par les directions régionales des affaires culturelles (Drac), se sont vus retirer leurs subventions. Des sommes qui peuvent paraître dérisoires (entre 10 et 30.000 euros), mais qui sont essentielles pour plusieurs de la centaine de structures concernées. Programmations annulées, postes menacés et plusieurs lieux voués à la disparition.
Difficultés. Le label recouvre des situations diverses. Certains ECM sont liés à des salles, comme El Mediator, à Perpignan, qui organise chaque année le festival Tilt, contraint de revoir son action culturelle à la baisse. D’autres, dont toute l’activité est tournée vers le multimédia, se retrouvent extrêmement fragilisées. Pour L’ECM4, à Bourges, adossé à l’association Bandits-Mages, les 18.000 euros supprimés représentent un tiers des subventions Drac. Conséquence : «La suppression de deux postes sur six, l’annulation de la programmation 2008 - Brian Holmes, Konrad Becker, Granular Synthesis, une Nuit du son et de la vidéo - et des ateliers avec les artistes sur les pratiques numériques. C’est aussi la remise en cause du travail commun avec Labomedia à Orléans et l’atelier nUM à Tours», selon la codirectrice Isabelle Carlier, qui craint que le désengagement de l’Etat n’entraîne de surcroît un retrait des collectivités locales. Malgré des équipes et des moyens réduits, les trois ECM de la région Centre ont mis leurs efforts en commun et ainsi accueilli le Poulpe, webradio expérimentale en réseau avec les Nantais d’APO33, avec atelier et installation dans chacune des villes.
Même situation à la Maison populaire à Montreuil, dont une grande partie de l’activité repose sur cette subvention. «Ça remet en cause toute la politique de diffusion de la culture numérique en région», constate la coordinatrice Jocelyne Quélo en soulignant que les ECM étaient loin d’être les seuls touchés. Les aides de la Drac au multimédia en Ile-de-France baissent de 70 %. La remise en cause de la politique de soutien à la création multimédia est accentuée par la suppression de 40.000 euros de subventions Drac, alloués à l’Aide à la création multimédia expérimentale d’Arcadi, et la suppression de celles allouées à Dédale, qui organise le festival Emergences.» Dédale fait partie des 19 structures touchées dans la région, avec Anomos et Synesthésie. «Nous pensions que la création multimédia faisait partie des priorités de la ministre», s’étonne l’association dans une lettre ouverte au directeur des affaires culturelles d’Ile-de-France, alors que «le secteur rencontre un engouement croissant de la part des artistes et du public, en particulier jeune». Ce gel des aides ne devrait qu’accroître «le retard de la France dans la production et la diffusion de la création artistique multimédia» et pénaliser «les artistes français qui ont beaucoup de difficultés à produire et diffuser leur travail en France».
«Péril». Touchées également, les structures de diffusion d’art vidéo et de cinéma expérimental, comme Vidéoformes à Clermont-Ferrand ou les Yeux de l’ouïe à Nancy. Le conseiller technique pour les nouvelles technologies au ministère de la Culture n’a pas donné suite à nos appels. «Ça met en péril tout l’écosystème, déjà très fragile en France du fait de l’absence de marché de l’art dans la culture multimédia, constate Gérald Elbaze, directeur du centre de ressources Médias-Cité. Ces lieux accueillent des artistes qui contribuent à développer un regard critique sur cette société de l’information. La civilisation numérique ne peut pas être seulement celle de l’entertainment.»
LIBERATION
QUOTIDIEN : vendredi 25 janvier 2008
Budget. En se désengageant, l’Etat fragilise un secteur tout juste en train de se structurer.
Nouvelles coupes sombres dans le budget de la culture. Cette fois, c’est l’art multimédia qui subit le désengagement de l’Etat. Premières victimes : les ECM, espaces culture multimédia, un programme qui, depuis dix ans, sensibilise et initie le public aux technologies, prioritairement sous l’angle culturel, et soutient la création numérique. La rumeur bruissait depuis novembre : les ECM, convoqués au compte-gouttes par les directions régionales des affaires culturelles (Drac), se sont vus retirer leurs subventions. Des sommes qui peuvent paraître dérisoires (entre 10 et 30.000 euros), mais qui sont essentielles pour plusieurs de la centaine de structures concernées. Programmations annulées, postes menacés et plusieurs lieux voués à la disparition.
Difficultés. Le label recouvre des situations diverses. Certains ECM sont liés à des salles, comme El Mediator, à Perpignan, qui organise chaque année le festival Tilt, contraint de revoir son action culturelle à la baisse. D’autres, dont toute l’activité est tournée vers le multimédia, se retrouvent extrêmement fragilisées. Pour L’ECM4, à Bourges, adossé à l’association Bandits-Mages, les 18.000 euros supprimés représentent un tiers des subventions Drac. Conséquence : «La suppression de deux postes sur six, l’annulation de la programmation 2008 - Brian Holmes, Konrad Becker, Granular Synthesis, une Nuit du son et de la vidéo - et des ateliers avec les artistes sur les pratiques numériques. C’est aussi la remise en cause du travail commun avec Labomedia à Orléans et l’atelier nUM à Tours», selon la codirectrice Isabelle Carlier, qui craint que le désengagement de l’Etat n’entraîne de surcroît un retrait des collectivités locales. Malgré des équipes et des moyens réduits, les trois ECM de la région Centre ont mis leurs efforts en commun et ainsi accueilli le Poulpe, webradio expérimentale en réseau avec les Nantais d’APO33, avec atelier et installation dans chacune des villes.
Même situation à la Maison populaire à Montreuil, dont une grande partie de l’activité repose sur cette subvention. «Ça remet en cause toute la politique de diffusion de la culture numérique en région», constate la coordinatrice Jocelyne Quélo en soulignant que les ECM étaient loin d’être les seuls touchés. Les aides de la Drac au multimédia en Ile-de-France baissent de 70 %. La remise en cause de la politique de soutien à la création multimédia est accentuée par la suppression de 40.000 euros de subventions Drac, alloués à l’Aide à la création multimédia expérimentale d’Arcadi, et la suppression de celles allouées à Dédale, qui organise le festival Emergences.» Dédale fait partie des 19 structures touchées dans la région, avec Anomos et Synesthésie. «Nous pensions que la création multimédia faisait partie des priorités de la ministre», s’étonne l’association dans une lettre ouverte au directeur des affaires culturelles d’Ile-de-France, alors que «le secteur rencontre un engouement croissant de la part des artistes et du public, en particulier jeune». Ce gel des aides ne devrait qu’accroître «le retard de la France dans la production et la diffusion de la création artistique multimédia» et pénaliser «les artistes français qui ont beaucoup de difficultés à produire et diffuser leur travail en France».
«Péril». Touchées également, les structures de diffusion d’art vidéo et de cinéma expérimental, comme Vidéoformes à Clermont-Ferrand ou les Yeux de l’ouïe à Nancy. Le conseiller technique pour les nouvelles technologies au ministère de la Culture n’a pas donné suite à nos appels. «Ça met en péril tout l’écosystème, déjà très fragile en France du fait de l’absence de marché de l’art dans la culture multimédia, constate Gérald Elbaze, directeur du centre de ressources Médias-Cité. Ces lieux accueillent des artistes qui contribuent à développer un regard critique sur cette société de l’information. La civilisation numérique ne peut pas être seulement celle de l’entertainment.»